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CANON 75 MOD. 29

Lien-s partie Constructions :
SAPEY (Ouvrage d'artillerie)


Fil ouvert par Franco ( 16 ) - Posté le 13/01/2019

Les missions de l'ouvrage du Sapey sont d'interdire les débouchés de la vallée du Fréjus (Bloc4) et d'assurer le barrage de la vallée de la Maurienne en amont de Modane en contrôlant les débouchés du col du Mont Cenis.
Cette dernière mission est dévolue aux blocs 1 et 2 (Batterie Maurienne) qui agissent en complément des ouvrages de Saint Gobain et de Saint Antoine et sont à même d'effectuer des tirs d'action frontale ce qui est rare pour des 75 mle 29.
Les blocs N. 1 ET N. 2 ont un canon 75 mod. 33


Réponse de jolasjm ( 6965 ) - Posté le 13/01/2019
Dernière modification par jolasjm le 13/01/2019.
Bonjour,

Merci de votre message. Les missions de l'ouvrage du Sapey sont en effet décrites déjà sur la fiche de l'ouvrage au chapitre "Construction, mission ou fonctions de l'objet" et sont en conformité avec votre commentaire. Je vais par contre rajouter le point concernant le complément avec les ouvrages de St Antoine et St Gobain, qui est judicieux.

Juste pour préciser : les casemates "Maurienne" (B1 et B2), qui ont bien un rôle frontal, sont équipées de 75mm Mle 1933 et non de Mle 29, qui eux sont installés dans la casemate "Fréjus" (B4).

Les 75/29 à action frontale sont en effet peu fréquents comme vous l'indiquez. On en trouve en réalité que deux dans les Alpes qui ont clairement ce rôle, à St Roch (B4) et Cap Martin (B2).

La nature "frontale" du bloc Fréjus du Sapey est selon moi discutable même si la littérature l'a parfois affirmé. Les 75/29 du B4 du Sapey ne sont pas à proprement parler frontaux selon moi (même si la frontière passant par les cols était "en face" bien qu'en limite de portée) pour les raisons suivantes :
- le B4 à une architecture certes mixte entre les blocs de flanquement et frontaux de la notice descriptive de 1931, mais se rapprochant davantage de la version de flanquement que de celle à action frontale (orillon, façade peu épaisse,...).
- l'ouverture et le débattement des cuirassements de ce bloc s'approchent plus d'une trémie de flanquement que la trémie d'action frontale, très contrainte et enfoncée dans une paroi très épaisse.
Le fait que le B4 du Sapey n'ait pas vraiment une architecture de bloc frontal s'explique d'ailleurs assez simplement par l'absence presque totale de risque d'un coup d'embrasure direct en provenance d'Italie. Pour y arriver il aurait fallu une pièce à tir tendu se plaçant sur les hauteurs autour ou au dessus de l'ensemble Lavoir/Pas du Roc/Arrondaz ce qui signifie la neutralisation préalable de ces ouvrages que ce bloc flanque...

Plus généralement, les blocs de 75 frontaux ne sont pas si rares dans les Alpes, qu'ils aient été équipés de 75/29, 75/31 ou 75/33. On en trouve au Sapey (B2, B5 en 75/31), et à Restefond (75/31 et 75/32), Rimplas (deux blocs, 75/33 et 75/31), Flaut (75/33), Gordolon (75/31), et enfin St Roch et Cap Martin déjà évoqués.

Cordialement
Jean-Michel


Réponse de Frédéric Lisch ( 344 ) - Posté le 14/01/2019

Bonjour à tous,

J'amène un peu d'eau au moulin de Jean-Michel.
Effectivement, le bloc 4 du Sapey est sujet à discussion. Avant de trancher, il me semble important de faire le distinguo entre l'aspect tactique et l'aspect technique d'un organe de combat, c'est-à-dire son rôle et son architecture.

Techniquement, comme le dit à juste titre Jean-Michel, il s'agit d'une casemate située à mi-chemin entre la casemate de flanquement à façade rectiligne et la casemate d'action frontale. Rappelons que seuls deux blocs répondent exactement à la notice d'août 1931 sur les casemates d'artillerie de montagne (B1 du Lavoir et B3 du Janus). Toutes les autres casemates ne sont que des adaptations de la dite notice à des conditions d'emploi à chaque fois particulières et le cas de ce bloc en est une...

D'un point de vue tactique, alors oui, le bloc 4 du Sapey est bien une casemate d'action frontale puisque, sans équivoque, ses objectifs sont en face de ses créneaux.
D'un point de vue plus technique, ses larges créneaux dont les trémies autorisent toutes amplitudes en azimut comme en site, ne sont pas contrariés par la crainte de coups directs. En effet, la géographie du secteur (et d'autres paramètres plus tactiques) ne permet pas le tir ennemi de contre-batterie.

A mon humble avis, il nous faut donc garder à l'esprit l'analyse des deux aspects (tactique et technique) d'un bloc qui font de lui ce qu'il "est" et ce qu'il "fait"...

Selon cette manière de voir les choses, que pouvons-nous penser du bloc 1 du Lavoir, tracé selon les préceptes de la casemate de flanquement mais dont la zone d'action (le col de Fréjus) est également face à ses créneaux ??? Cet exemple n'est certes pas un cas isolé...

Frédéric Lisch.


Réponse de jolasjm ( 6965 ) - Posté le 14/01/2019
Dernière modification par jolasjm le 14/01/2019.
Bonjour à tous, et bonjour Fred,

Intéressant débat en effet. Mon point de vue diffère un peu du tien, Fred, sur la notion de bloc frontal. Mais comme on sait, de la diversité des points de vue nait la richesse de la connaissance et je suis certain qu'on va in-fine arriver à un avis commun qui fédère les approches. Je vais donc partager mon point de vue, pour ce qu'il vaut et sans prétendre détenir la vérité.

Ce n'est à mes yeux pas la faculté de tirer sur des objectifs face à ses créneaux qui caractérise le caractère d'action frontale. Ce qui caractérise pour moi l'action frontale ou de flanquement est la direction générale du tir relativement à la ligne générale de défense : soit parallèlement à la ligne de défense (action de flanquement de celle-ci) soit perpendiculairement à celle-ci (action frontale face à l'ennemi sans organe devant pour assurer l'interdiction au préalable). L'action de flanquement sert à la protection des organes adjacents (par la destruction de l'ennemi qui s'en rapprocherait) alors que l'action frontale interdit par essence l'approche de face de l'organisation concernée. C'est cette orientation "face à l'ennemi" qui rend ces créneaux justiciables d'un coup direct et par conséquent nécessite une protection renforcée, soit via des cuirassements/bétonnages renforcés, soit via des restriction fortes de champ de tir et un enfoncement dans le béton pour limiter de facto la zone frontale dangereuse. Les exemples typiques de cela sont les blocs du St Roch et Cap Martin.

Si on s'en tient à ce point de vue, qui bien sur doit être nuancé en fonction des missions primaires et secondaires des blocs (importante à saisir et prendre en compte dans les Alpes surtout avec des blocs bardés d'armes dans tous les sens), alors on éclaire le cas du Sapey sous un angle un peu différent. Les blocs 1 et 2 (Maurienne) agissent bien face à un ennemi potentiel et perpendiculairement à la ligne de résistance matérialisée par le front Orchère-Plan à Marin, Arrondaz, Pas du Roc, Lavoir. L'action de flanquement de ces ouvrages de LPR n'empêche pas un canon ennemi de se positionner à distance faible face à ces blocs Maurienne. Au contraire, le bloc Fréjus flanque vers les ouvrages de Lavoir, Pas du Roc et Arrondaz, tout en assurant de ce fait leur protection et en étant protégé d'un coup frontal par l'action desdits ouvrages. C'est en ce sens que l'action du bloc Fréjus (flanquement des ouvrages du barrage Fréjus, absence de risque de coup direct par un ennemis "en face" et nécessité d'avoir des embrasures permettant de couvrir un large champ) ne me parait pas relever de l'action frontale - en tous cas majoritairement.

Je garde cette dernière réticence car la configuration particulière de la fortification alpine nous impose de rester nuancé. En effet, le cas de l'ouvrage Maginot du Sapey nous rapproche complètement de la notion de fort de protection cher à la génération précédente Séré de Rivières. Le fort Séré du Sapey était d'ailleurs l'ouvrage de protection du fort du Replaton. A ce titre, les casemates Maurienne de l'ouvrage Maginot du Sapey - au delà du rôle frontal qui ne fait aucun débat - ont un clair rôle de protection des ouvrages Maginot d'Amodon, St Gobain et St Antoine. Comme tu sais, c'est d'ailleurs pour pleinement remplir ce rôle de protection que ces deux casemates Maurienne ont été désaxées l'une de l'autre pour assurer à la fois la couverture du St Antoine et celle des pentes du Rateau d'Aussois vers Amodon et l'Orgère. Ces casemates Maurienne ont de ce fait un rôle (relativement minoritaire, reconnaissons le) de flanquement de la position de résistance et ne sont donc pas strictement et binairement "frontales". Le risque majeur étant cependant frontal, elles ont été traitées fort logiquement selon ce standard. Ce n'est pas le cas du bloc Fréjus qui aurait été fort mal barré si l'ennemi avait pu s'installer au Charmaix après avoir fait tomber le Lavoir… Dans ce cas, les créneaux de ce bloc Fréjus auraient pu être éventrés de face sans difficulté, preuve que le caractère "technique" de ce bloc n'est pas frontal (le créneau de 75 du B4 de St Roch ou du B2 du Cap Martin sont clairement conçus pour rendre la vie difficile d'une artillerie placée en face et hors de portée de St Agnès ou Roquebrune). Note au passage que cette notion d'ouvrage de protection typiquement Séré s'applique à mes yeux tout aussi parfaitement à l'ouvrage de Mt Agel, et partiellement à celui du Barbonnet si on prend en compte les tourelles Mougin.

Je te rejoins par contre complètement sur les questions et le commentaire que tu fais sur le B1 du Lavoir, questions que je me suis aussi posé et tourné un moment dans tous les sens. La position de ce B1 n'est finalement pas très différente du B2 et pourtant son traitement technique a été totalement opposé : le B1 a été traité comme un bloc de flanquement alors que le B2 est traité comme un bloc frontal. C'est cette apparente contradiction qui m'a amené à me convaincre des éléments exposés ci-dessus : le B1 flanque vers le Pas du Roc, couvre donc cet ouvrage et est protégé par lui d'un bombardement de face, alors que le B2 ne bénéficie pas d'une interdiction de tir direct par le Pas du Roc. Le B2 est justiciable de tirs de face en provenance des positions d'artillerie au dessus de Bardonneche, ce qui peut être empêché sur le B1 par un simple orillon et évite un traitement couteux du type "bloc frontal". Le projet du B2 et les échanges avec l'ITTF mettent d'ailleurs bien en évidence ce risque de coup de face et expliquent à eux seuls le choix de cuirassements lourds type "Rimplas".

Ravi de continuer cet échange au besoin.
Jean-Michel


Réponse de Frédéric Lisch ( 344 ) - Posté le 14/01/2019

Salut Jean-Michel, salut à tous,

Ton argumentation est tout-à-fait probante bien que je ne la partage pas entièrement. En effet, les notions de tir flanquant et de tir frontal sont, à mon sens, deux principes opposés ayant chacun leur "façon de faire". Faisons un point…

Si l'on s'en tient uniquement à sa seule sémantique, la notion de flanquement est l'action de tirer sur une position ou sur une unité ennemie par le flanc. Les tirs de flanquement arrivent donc latéralement sur l'objectif que l'on cherche à atteindre. Lorsque l'on tire sur une troupe ennemie par le flanc, celle-ci doit en conséquence opérer un mouvement d'un quart de tour pour se retrouver face à la provenance des tirs (de flanquement) et ainsi pouvoir manœuvrer et riposter dans les meilleures conditions. Comme chacun sait, cette notion de flanquement est l'un des principes majeurs de la fortification "Maginot" du Nord-Est.

A la différence, le tir frontal fait l'objet d'une action directe sur une zone déterminée (car l'action frontale n'est pas continue comme peut l'être le flanquement) que l'on peut également qualifier de "zone à risques", cas très souvent rencontrés dans les secteurs du Sud-Est. Dès lors, la casemate frontale est susceptible, elle aussi, de subir un tir (frontal) ennemi de contre-batterie, un peu à la manière de deux duellistes l'un en face de l'autre.

Lors de son action de riposte, l'ennemi subissant le tir de flanquement aura toutes les peines du monde à neutraliser la casemate, celle-ci étant masquée par le cavalier de terre et orientée de façon à se soustraire le plus possible aux coups directs que l'adversaire cherchera à lui porter. Ce scénario de riposte est différent dans le cas d'une casemate d'action frontale car, toujours en théorie, l'ennemi dispose de vues directes sur le mur d'embrasure lui permettant un pointage nettement plus aisé que dans le cas d'une casemate de flanquement...

Que l'on ait à faire à une casemate de flanquement ou une casemate d'action frontale, on constate que l'interaction entre le vecteur défendant et le vecteur attaquant présente de nombreux paramètres qu'il est capital de ne pas négliger : orientation des créneaux, exposition et degré de protection du mur d'embrasure, visières surbaissées, orillons, zones dangereuses reconnues dès le temps de paix, possibilité de manœuvre de l'ennemi et j'en passe. Dans le cas qui nous préoccupe, on peux donc supposer que toutes les conditions soient remplies pour dire que la casemate "Fréjus" semble bien intervenir en action frontale sur les trois cols du Sud et, comme le souligne si pertinemment Jean-Michel, en tant que fort de protection si bien sûr les ouvrages du Lavoir et du Pas du Roc sont considérés comme fort d'interdiction suivant le triptyque alpin cher à SdR. Matière à réflexion...

Absolument Jean-Michel, je ne peux que te rejoindre lorsque tu dis que la casemate "Fréjus" n'est pas suffisamment musclée pour soutenir un tir direct prolongé (son mur d'embrasure a une épaisseur de 1,50 m) mais force est de reconnaître que dans ce cas précis, l'ennemi ne pouvait amener des pièces d'artillerie capable de percer sa carapace. Dans le cas contraire, il est évident que les projeteurs auraient revus leur copie bien avant de couler le béton. Confiance avouée (de leur part !!!) dans la puissance de feu du binôme Pas du Roc - Lavoir. "What if" : si ces deux ouvrages "tombent", Modane "tombe"...

Enfin, n'oublions pas que la grande majorité des blocs alpins ne sont finalement que des cas uniques que nous nous devons d'étudier avec le plus grand discernement afin d'en assimiler toute l'essence.

Frédéric Lisch.


Réponse de Franco ( 16 ) - Posté le 14/01/2019

Bonsoir,
Les bloc 1 et 2 du Sapey ont une protection dans le creneau d'acier de 20 cm d'épaisseur (comme les blocs 5 et 2 du Lavoir) les bloc 4 du Sapey n'a pas cette protection (comme le bloc 1 du Lavoir).
En plus si Vous regardez l'interieur des bloc Vous pouvez voir la difference de protection plus marquée aux blocs.
Sapey n. 1 et 2 - Lavoir n. 5 et 2.
Il n'est pas possible atteindre avec les canons italiens le bloc 4 du Sapey et le bloc 1 du Lavoir.
Salutations
Olivetti Franco
P.S. Pardonnez mon français!


Réponse de jolasjm ( 6965 ) - Posté le 14/01/2019
Dernière modification par jolasjm le 14/01/2019.
Bonsoir Franco

C’est précisément mon point. Le bloc 4 du Sapey n’a pas la protection propre aux blocs frontaux car n’est pas à risque d’une attaque frontale et en plus avait le groupe lavoir-pas du Roc pour le couvrir. Il suffit de le comparer à des blocs beaucoup plus clairement frontaux comme ceux du St Roch ou autre pour s’en persuader.

Maintenant je rejoins complètement Fred sur le fait que l’analyse des ouvrages et blocs des Alpes est bien plus complexe et subtile que celle de leurs homologues du Nord-est car le terrain est beaucoup plus contraignant. Preuve en est que les dessinateurs qui ont conçu cet ouvrage du Sapey étaient eux-memes pas très au clair dans leur tête sur la nature exacte du bloc quand ils l’ont conçu au vu de son caractère architectural hybride.

Cordialement
Jean-Michel


Réponse de Franco ( 16 ) - Posté le 15/01/2019

Bonjour Jolasjm

Seulement l'obusier 380/15 avec une portée de 15 km pouvait atteindre le Sapey bloc 4 selon moi, positionné avant
le tunnel ferroviaire de Rocca Tagliata menant à Bardonnéche.
Mais il est arrivé 2 semaines apres l'armistice. Mais peut être pas possible car je ne suis pas un artilleur et j'ai calcu-
lé 60 cm sur la carte de 25000, la distance peut être superieure de 100 metres.

Cordialement
Franco


Réponse de jolasjm ( 6965 ) - Posté le 15/01/2019

Bonjour

Les obusiers de ce type sont des pièces de destruction à trajectoire balistique, et donc ne visent pas spécifiquement à l'attaque frontale, mais au bombardement de tout bloc par le dessus. Cette pièce de 380/15 devait pouvoir bombarder n'importe lequel des ouvrages de la position Modane-Fréjus, sachant que sa portée maximale est de 15 km, qui est la distance directe de Bardonneche à Modane...

Le Sapey est donc à l'extrême limite de portée de cet obusier, qui a de ce fait une dispersion relativement importante et donc un risque faible d'atteinte du B4 lui-même. Un bloc frontal est conçu prioritairement pour résister à des tirs tendus perforants à vue et pas spécifiquement à des obusiers à tir courbe.

Cordialement
Jean-Michel




Réponse de Rémi ( 15 ) - Posté le 19/02/2023

Bonjour,

En réponse au message du 13/01/2019 :

Il y a encore un bloc en action frontale qui n'est jamais cité : le bloc 3 du Monte Grosso qui bat frontalement la LPR entre Plan Caval et Colla Bassa et le vallon de Cayros entre le col de Raus et Saorge.

Cordialement.

Rémi


Réponse de jolasjm ( 6965 ) - Posté le 20/02/2023
Dernière modification par jolasjm le 20/02/2023.
Bonjour

Je ne pense pas que le B3 soit frontal. Ce B3 de Monte Grosso me parait être pour le coup l'archétype même du bloc de flanquement pur et dur, qui protégeait la LPR jusqu'à l'Authion. Il aurait été frontal si il avait été orienté vers Breil, Saorge et Fontan ce qui n'est pas le cas.

A noter que ce bloc a une particularité : pour éviter les coups d'écharpe venant du territoire italien de l'époque, les deux chambres de tir pour canon de 75/29 sont très fortement décalées (refusées) l'une par rapport à l'autre. Autre preuve s'il en est que ce n'est pas un bloc frontal puisqu'il avait justement été dessiné pour éviter les coups frontaux ennemis et ne pouvait y répondre.

Cordialement
Jean-Michel


Réponse de Frédéric Lisch ( 344 ) - Posté le 20/02/2023

Salut à tous,

Pour avoir longuement étudié ce bloc 3 de Monte Grosso, suis d'accord avec Jean-Michel. Et pour amener l'illustration au texte sur le décalage des chambres de tir, voici un comparatif présentant cette particularité.

Frédéric Lisch.




Réponse de Rémi ( 15 ) - Posté le 24/02/2023
Dernière modification par Rémi le 24/02/2023.
Bonjour Jean-Michel,

Je suis tout à fait d’accord avec vous quand vous dites que le bloc 3 du Monte Grosso est une casemate de flanquement et qu’il flanque la ligne de crête courant de la cime du Diable au Mangiabo.
Cependant, pour les raisons suivantes, je pense qu’il est aussi un bloc d’action frontale.
Une offensive italienne descendant la vallée de la Roya et/ou la Vésubie, était une manœuvre par les bas offrant peu de perspectives en y restant ; il lui fallait donc s’étendre latéralement pour aller manœuvrer par les hauts.
La première de ces offensives pouvait le faire à hauteur de Saorge en remontant le vallon de Cairos jusqu’au col de Raus ; la seconde pouvait faire la même chose à la hauteur de la Bollène-Vésubie par le vallon des Graus.
Parvenus au col, les Italiens pouvaient alors manœuvrer par les hauts : gagner la Baisse de Saint-Véran pour redescendre par le vallon de la Planchette vers la Vésubie et prendre à revers le barrage Flaut-Gordolon ; gagner l’Escarène par Peira-Cava et Lucéram et prendre à revers le front col de Raus-Agaisen. Une manœuvre de débordement de moindre ampleur était aussi possible par le vallon de la Maglia et la baisse de la Déa.
Ces possibilités de manœuvres de débordement expliquent la construction :
- de l’AP du col de Raus : surveillance de l’itinéraire reliant la Roya à la Vésubie ;
- des ouvrages de la Béole : surveillance du vallon de Cairos ;
- du col d’Agnon : surveillance du vallon de la Maglia et interception du chemin le reliant à celui de Lavina ;
- de la baisse de la Déa, de Plan Caval et de la baisse de Saint-Véran : interdiction de la ligne de crête principale pour descendre dans la Vésubie ou dans la Bévéra.
Pour en revenir à notre bloc 3, si l’on trace son secteur de tir sur une carte on constate effectivement :
- qu’il flanque la ligne de crête principale jalonnée par l’ouvrage de la baisse de la Déa (D), l’ouvrage de Plan Caval (P) mais aussi
- qu’il bat frontalement : la crête de l’Arbouin portant l’ouvrage du col d’Agnon (A) ; la crête portant l’ouvrage de la Béole (B) ; le vallon de Cairos, l'itinéraire de débordement qu'il faut interdire.
Pour résumer, son champ de tir se subdivisait en 1/4 en flanquement et 3/4 en action frontale.
Je joins à l’appui de mon propos :
- un fragment de la carte au 1/200 000 modèle 1912 du SGA présentant le massif entre Roya et Vésubie avec la frontière de 1860 et les principaux itinéraires d’avant 1940, sur laquelle j’ai porté la position des AP et des ouvrages CORF (carte n° 1) ;
- une ossature, tracée en suivant exactement les crêtes et les thalwegs, présentant la zone d’action du bloc 3 et son secteur de tir (carte n° 2). J’y ai tracé la distance topographique de 11 000 m mais du fait de la différence d’altitude la portée atteinte était supérieure.

Cordialement.
Rémi




Réponse de jolasjm ( 6965 ) - Posté le 25/02/2023
Dernière modification par jolasjm le 25/02/2023.
Bonjour Rémi,

Merci pour cette analyse contradictoire, qui relance le débat. Celui-ci pourrait d'ailleurs sans doute durer très longtemps avec des arguments pertinents dans un sens ou dans l'autre.

Malgré la qualité de l'argumentation, je persiste à m'inscrire en faux avec l'affirmation que le B3 de Monte-Grosso est un bloc frontal, voir qu'il en a même une composante tactique indirecte.

Tout d'abord, sur la vue du côté italien :
La probabilité que l'EM italien ait considéré utiliser la Roya pour contourner la position et attaquer vers l'Authion avec pour vue de redescendre vers la Vésubie (Flaut-Gordolon) me parait minime. En effet pourquoi faire un tel effort dans des conditions montagneuses désavantageuses, et en devant neutraliser successivement une ligne La-Béole - Plan Caval - St Véran - Raus, justement protégée en flanquement par le B3 (et la tourelle de 75) de Monte-Grosso, alors qu'il leur était tellement plus simple de descendre la Gordolasque et la Vésubie dont les hautes vallées étaient entre leurs mains, fortement desservies par des pistes militaires construites de leur côté dans les années 30. Ces deux vallées constituaient les bases de départ naturelles pour une attaque vers Flaut-Gordolon (risque d'ailleurs parfaitement bien pris en compte dans la définition du plan de feu de ce couple d'ouvrages).
En réalité, la fortification de l'Authion n'était pas justifiée par ce risque de débordement identifié, mais par celui de ne pas donner à l'ennemi potentiel un point haut tactiquement important et une base de départ permettant ensuite de descendre vers Nice par la voie directe Turini - Peira-Cava - L'Escarène, voie peu protégée, sans s'embêter avec les barrages de la Vésubie ou du col de Brouis.

En ce sens, une attaque italienne à partir du Caïros ou la Maglia vers la Béole ou 3 Communes par exemple n'est pas différent dans le principe d'une attaque sur l'ouvrage de Rohrbach venant d'Allemagne ou de l'arrière, attaque qui aurait été (et a été !) justiciable des 75 de flanquement du B5 du Simserhof.

Indépendamment de cette question de l'Authion en tant que bastion d'angle de la position de Nice, la Roya vue du côté Italien était en réalité le cheminement privilégié pour une attaque vers le col de Brouis puis Sospel avec d'une part une bonne route, et d'autre part une voie ferrée toute neuve. C'est ce qu'en avait conclu l'EM français lors des réflexions fin des années 20 sur le tracé de la position des Alpes Maritimes et la défense prioritaire de Nice, et qui les avaient poussé à lourdement protéger cette voie là (dés le programme Degoutte, avant même que la CDF ne s'y intéresse en pratique).

Maintenant vu du côté français :
Quelle était la position de la CORF et des concepteurs locaux vis à vis des missions de Monte Grosso lors de sa conception au début des années 30 ?
Le dossier de plan d'implantation de l'ouvrage et de plan de masse écrits par la Direction de Nice et validés par les instances parisiennes (CORF, ITTF, Service techniques du Génie et finalement le ministère) sont très clairs. Il doit en particulier être pris en compte qu'au moment de la conception du MG (Premier avant-projet d'Aout 1931 - dossier 538/F, ), la LPR prévue à l'époque passait par Col de Brouis, la Gonella-Arboin et l'Authion. Elle a été ensuite modifiée pour passer par Col d'Agnon et la Béole (suppression de la Gonella et meilleure couverture des vallons profonds montant de la Roya) sans que cela ne change rien sur l'orientation du B3 qui était déjà définie au moment de ce changement. Ces projets initiaux étaient parfaitement univoque pour ce qui concerne l'action d'artillerie et de couverture : deux blocs de flanquement d'artillerie de le position (Bloc B vers Agaisen et Sospel, ultérieurement ajournée, et bloc C - notre bloc 3 actuel - vers le nord en flanquement de la position Brouis, Gonella, Authion). MG avait bien une mission frontale et c'est très clair dans les écrits, mais cette mission frontale était intégralement et totalement dédiée aux deux tourelles de 75 et 135 prévues là dés le départ por pilonner la vallée de Roya.
En cela, l'ouvrage de MG était pratiquement un "cas d'école" de la pensée CORF de l'époque appliquée aux Alpes : une entrée, deux blocs d'artillerie défilés à proximité tirant à gauche et à droite, et éventuellement une tourelle ou plus pour faire du frontal. Agaisen, Barbonnet, Castillon, Ste Agnés, Roquebrune ... sont des applications partielles du même concept de fond avec ou sans tourelles. Même principe que ceux appliqués dans le N-Est (cf le cas du Sims évoqué plus haut et qui est lui aussi d'école par son design quasi-théorique dont ces "ouvrages types" des Alpes sont une forme de déclinaison).

Relativement aux formes techniques de constructions :
Le design du bloc 3 est totalement typique de la forme architecturale du bloc de flanquement. Fort échelon refusé (en l'occurrence poussé jusqu'à la caricature, comme parfaitement illustré par Fred, pour se protéger de tirs frontaux de l'ouvrage italien de Barcone di Marta en cours de construction et dont l'EM français avait bien compris le risque - là encore documenté dans les dossiers techniques de l'ouvrage), cuirassements d'embrasure des 75/29 standards et non "renforcés" pour parer aux coups frontaux façon Rimplas (ou Lavoir, ou Flaut...).

Pour la petite histoire : la CORF avait demandé à la Direction de Nice dans un 2e temps de trouver des économies sur un ouvrage qui partait pour exploser les budgets. La Direction avait dans le cadre de cette étude envisagé de fusionner les deux bloc B et C (2 et 3) pour en faire une casemate d'artillerie de flanquement double (genre "Traditore"). Les plans de cette variante existent et on en a longuement discuté avec Fred car ce bloc projeté était une vraie curiosité architecturale ! Dans le même projet ils avaient envisagé de fusionner le bloc tourelle de 135mm avec le bloc sommital à quatre mortiers de 81... Projets sans suites, la meilleure économie étant encore de supprimer purement et simplement le bloc B de flanquement sud au motif de la pléthore d'artillerie déjà prévue sur la Bévéra...

Voilà donc mon point de vue sur le caractère précis du bloc 3 de MG. Comme dit en introduction, il est néanmoins clair que ce type d'échange pourrait aller bien plus loin dans l'analyse contradictoire, et cela ne me déplait pas du tout : dans le fond, c'est du débat que nait la connaissance.

Ci-joint, un extrait du projet de la DTF relatif à MG, qui caractérise la mission du B3, un extrait du projet technique du B3 (projet 453/F de mai 1932) et une reprise de votre intéressant schéma pour montrer en quoi selon moi l'interdiction d'attaques sur la Béole, col d'Agnon ou l'Authion à partir de la Roya relève de l'action de flanquement pure par le fait que le feu du bloc est perpendiculaire aux axes d'attaque (comme une attaque sur Rohrbach est protégée par le B5 de flanquement du Sims par exemple) et comment ce B3 s'était protégé par son défilement de toute confrontation frontale avec Marte (ou avec une artillerie lourde qui serait venue s'installer dans la Roya).

Bien cordialement
Jean-Michel





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