Ligne Maginot - Avant-poste type Sud-Est



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Avant-poste type Sud-Est

(AP-SE)






Le principe spécifique des avant-postes construits dans les Alpes, totalement différent de celui des AP du Nord-Est, trouve son origine dans le conflit ouvert (1) sur les principes mêmes de la fortification des Alpes advenu entre le général DEGOUTTE - Commandant désigné de l'Armée de Alpes - et la CDF/CORF entre 1927 et 1930.

Le général DEGOUTTE, en phase avec le Génie des deux régions militaires concernées et ses commandants de grandes unités, est un ardent défenseur de la fortification légère, construite par la MOM sur une ligne quasi-continue au plus proche de la frontière. Cette conception s'oppose frontalement à celle de la CDF et de la CORF. Pour des raisons autant politiques (évitement de "chapelles" hors contrôle des organismes centraux) que techniques (standardisation des formes de fortification entre Nord-Est et Sud-Est), CDF et CORF obtiennent gain de cause contre l'avis de l'armée des Alpes : comme conséquence d'une série de décisions et de rapports entre Mars 1928 et début 1929 (voir la page " Fortification des Alpes de 1920 à 1940 "), il est acté que la fortification des Alpes sera basée sur des ouvrages puissants, en retrait de la frontière.

Seule concession faite aux vues du général DEGOUTTE, le Mal PETAIN admet en Juin 1930 - suite à une reconnaissance sur le terrain effectuée en Mai - la nécessité de protéger les approches de la ligne de défense principale par des avant-postes aux points de passage principaux de la frontière, sur la ligne de défense imaginée par les Alpins à l'origine. Cet accord de compromis du bout des lèvres permet le lancement de la conception de ces éléments très particuliers et spécifiques de la ligne Maginot des Alpes.



Evolutions de la conception des AP du Sud-Est


Les premiers projets d'AP présentés en Mai 1930 sont d'une nature très classique : ils se présentent sous la forme de gros blockhaus avec un nombre de créneaux suffisamment important pour couvrir toutes les directions d'approche possibles. La 15° Région Militaire (15°RM - Marseille) évolue cependant rapidement sous la pression du Gal DEGOUTTE vers des constructions incluant des locaux caverne.

Ces AP sont conceptuellement conformes aux préconisations de l'Instruction sur l'Organisation du Terrain (IOT) n°2 sur les travaux de campagne, héritée de la grande guerre. On a affaire à des petits ouvrages enterrés à 8m de profondeur environ, avec en principe deux entrées distantes de 10 m, une galerie principale desservant un ou deux postes de tir pour mitrailleuses, un observatoire avec cloche légère, et éventuellement un poste pour communication optique, le tout avec quelques niches de logement ou de stockage le long des galeries.

Le Mal PETAIN avait accordé la construction de trois ouvrages à titre d'essai. Ces premiers projets en concerneront en réalité 6 - de la Mer à Sospel, rapidement complétés par 3 autres ajoutés courant de l'été 1930 (CROIX de COUGOULE, COL de RAUS et St DALMAS) qui reçoivent l'assentiment du Gal DEGOUTTE et mettent quasiment l'Etat-Major Général devant le fait accompli...

Les travaux en 15°RM débutent donc dés mi-Juin 1930. La 14°RM (Lyon) ne présente ses propres projets d'AP qu'en Novembre 1930, à construire à partir de 1931. Ceux-ci, au nombre de neuf dont certains sont sur (ou en arrière !) de la LPR, sont d'une importance et d'un développement très supérieurs à ceux envisagés dans la 15°RM, incluant même de l'artillerie (VILLAROGER, MONTGENEVRE...). Le général DEGOUTTE conteste cette approche (note 408/S à la 14°RM du 29/12/1930) incompatible avec la capacité de la MOM et qui plus est incohérente avec les projets CORF. Il enjoint la 14°RM de :
- proposer des projets d'AP plus concentrés et restreints, capables d'être construit en deux ou trois saisons maximum et sur le modèle déjà mis en œuvre dans la 15°RM. Cette réduction de taille doit permettre de passer le nombre total d'AP de neuf à douze ou treize à budget constant.
- discuter avec la CORF la conception et la réalisation des AP prévus sur la LPR aux endroits déjà identifiés par celle-ci (VILLAROGER, ROCHILLES, AITTES et FOUILLOUZE-PLATE LOMBARDE).
- remplacer l'important AP de MONTGENEVRE, doublon avec le barrage rapide et le futur ouvrage de la VACHETTE et du JANUS, par un AP sur le CHENAILLET qui est largement plus menacé.
- supprimer l'AP proposé à Abriés, trop éloigné de la LPR, au profit d'organisations de campagne plus rapprochées
- enfin, rajouter un AP aux FOURCHES et à LAS PLANAS, ce dernier - qui ne sera pas réalisé - permettant la liaison avec la 15°RM.
Les travaux en 14°RM débuteront à l'été 1931 sur cette base.

En contrepoint de l'approbation formelle par l'EMA du programme de défense du Sud-Est en Janvier 1931, la 15° RM est autorisée à engager sur 1931 les travaux par la MOM de quatre nouveaux avant-postes : ISOLA, CONCHETAS, CASTEL VIEIL et le PLANET. La demande de la Région d'entamer une ligne "d'avancées" complétant la ligne d'avant-postes, composée de 5 ouvrages MOM à ROJA, VALABRES, COL d'AGNON, GOLF de SOSPEL et COTE 902, sera cependant rejetée à ce stade en l'absence de moyens à y affecter.

La conception initiale "concentrée" des AP, somme toute assez conventionnelle, est critiquée dans un rapport du Gal JACQUEMOT (249/S du 21 Juillet 1931), membre du Conseil Supérieur de la Guerre et successeur de DEGOUTTE. Celui-ci fait remarquer la vulnérabilité de cibles aussi concentrées et l'imperfection de couverture qu'apporte une concentration des armes ne tenant pas compte des spécificités du relief local. Ce rapport préconise la construction d'AP plus dispersés, profitant de l'avantage du terrain et disposant de possibilités de logement et d'observation propres. Il marque le début du développement de ce qu'on peut voir aujourd'hui.

L'approche proposée par le Gal JACQUEMOT est validée par le vice-président du CSG (Gal WEYGAND) qui - tout en étant conscient de la nécessité des AP suite à une autre visite sur le terrain en Juillet 1931 - appelle malgré tout les alpins à la retenue et l'économie de moyens...

La CORF, sous la plume du Gal BELHAGUE (note 388/FA du 21 Aout 1931) et en ligne avec le Gal WEYGAND, valide partiellement le concept, en précisant toutefois la nécessité :
- de ne pas perdre de vue qu'un AP a une mission simple et si possible unique, de durée limitée dans le temps, à l'inverse de ce qui est demandé d'un fort isolé.
- de garder un plan-masse compact pour éviter des installations couteuses de ventilation, etc.
- de minimiser les épaisseurs de béton au profit du rocher brut.
- de soigner le camouflage des embrasures.
- de prévoir cependant suffisamment robuste pour tenir les hivers successifs.
Il conclut - en ligne avec la position toujours défendue par la CORF, qui veut minimiser la part de ses crédits affectés aux travaux MOM - que ce type de construction devait être limité à un nombre minimum, simples, à portée de compétence de ce que la MOM peut faire, et à coût unitaire faible.

Les AP en construction sont adaptés en conséquence et ceux construits se présentent donc sous la forme de petits ouvrages d'infanterie, à une ou deux entrées non protégées desservant par galerie peu profonde plusieurs postes de combat sous roc faiblement bétonnés et - la plupart du temps - un observatoire cuirassé léger de type cloche STG par éléments modifiée (aussi nommé " cloche St Jacques " du nom de l'usine de Montluçon les produisant, appartenant à la société Chatillon-Commentry). Les locaux souterrains incluent une chambre de repos, des stockages de vivres, eau et munitions, des latrines et - plus tardivement - une ventilation à bras simplifiée et un éclairage à lampes à pétrole. Ces locaux souterrains sont complétés en extérieur par un (ou des) abri(s) en tôle métro servant de casernement léger du temps de paix ou de garde.


BAISSE de SCUVION - 1932



Plan-type d'un AP classique des Alpes de conception type 1931-32 avant renforcement.

L'épineuse question de l'habitabilité des AP Sud-Est durant les tirs à la mitrailleuse


Les avant-postes des deux régions militaires ont des créneaux de nature très différente. Construits plus tôt, ceux de la 15° RM (SFAM) disposent pour l'essentiel de créneaux bétonnés très étroits alors que ceux de la 14° RM (SF Savoie et Dauphiné), plus tardifs, ont eu d'emblée la possibilité d'être conçus compatibles avec des trémies type Sud-Est en acier, encore nommées trémies type "Tunisie" car initialement conçues pour les fortifications MOM de Bizerte. La puissance de la ventilation naturelle des avant-postes pendant les périodes de tir à la mitrailleuse n'était donc probablement pas suffisante au point que la question de l'habitabilité du bloc durant le tir se pose, de façon similaire à celle qui s'est posée pour les casemates CORF au stade de gros-œuvre éventuellement armées d'Hotchkiss. Pour clarifier la question, le Génie mandate la DPST pour organiser début 1932 une série d'essais à l'ouvrage d'avant-poste de la COLETTA (SFAM) dont l'objectif sera de
1) mesurer le degré de pollution au CO d'une chambre de tir pendant le combat,
2) de tester une plaque d'embrasure et un support pour mitrailleuse avec carter permettant de canaliser les gaz vers l'extérieur, et
3) de mesurer le bénéfice d'une ventilation forcée à bras additionnelle.

Ces essais se déroulent le 12 Juillet 1932 et aboutissent à la conclusion que le tir sans port de masque à CO n'est possible que quelques minutes seulement sans dispositif adapté (plaque d'embrasure, carter de mitrailleuse, sac à douilles ou ventilation forcée). Ceci rejoint d'ailleurs les conclusions d'un essai identique - effectué lui sur construction CORF - à la casemate de KANFEN en Mars.

Avant-poste de la COLETTA (LC)

Créneau ayant servi aux essais de plaque d'embrasure et de tir à la mitrailleuse Hotchkiss avec carter léger et sac à douilles. Les quatre tirants de fixation de la plaque prototype sont bien visibles. Noter les deux saignées horizontales dans le mur de part et d'autre de l'embrasure pour accommoder le chargeur de la mitrailleuse à angle maximal en direction - Photo Alain LOVINY



Pour un tir de plus longue durée, il est nécessaire d'utiliser le carter d'évacuation de gaz, qui est le dispositif assurant la meilleure efficacité. Le sac à douilles essayé, décevant, est à réétudier.

Ces essais aboutiront à deux conclusions importantes :
- il faut développer un ensemble de carters pour mitrailleuse Hotchkiss permettant d'amener une solution à ces risques identifiés lors d'utilisation en milieu confiné.
- Si pour la 14° RM, la question ne se pose pas du fait de la présence de trémies déjà en place, pour la 15° RM il est nécessaire de concevoir une plaque pour embrasures étroites, dérivée de la plaque d'essai de COLETTA, qui permettra un montage étanche sur ces créneaux. Le dispositif de supportage de la mitrailleuse et de son carter dans la plaque ou la trémie devra être le plus identique possible entre trémie 14° RM et plaque 15° RM par souci de standardisation.

Dés Septembre suivant, le SMF propose au Génie de Nice un prototype de support de mitrailleuse articulé - permettant l'effacement de l'arme vers le bas - compatible avec la plaque d'embrasure testée quelques semaines plus tôt. Ce montage est testé à son tour le 30 Juillet 1934, avec un succès d'estime. Les commentaires d'utilisateurs sont renvoyés au SMF pour prise en compte.

Ces développements, retardés par la nécessité de développer un système final qui soit unique et compatible avec tous types de trémies, ne trouveront leur concrétisation qu'en 1938-39 avec le développement des trémies, carters et supports de mitrailleuses pour blocs MOM ou STG, mais sans application concrète sur les avant-postes de la 15° RM dont les créneaux resteront béants au grand désespoir des inspecteurs de l'ITTF qui remettront régulièrement le sujet sur la table...

Si dés le milieu des années 30, les ouvrages d'avant-poste MOM de la 15° Région seront équipés d'une ventilation à bras - ventilateurs allemands récupérés sur les fortifications de Strasbourg -, puis de portes étanches après 1938 pour permettre la surpression dans les blocs actifs, les plaques d'embrasure ne seront ni mises au point ni installées malgré une relance tardive du développement en 1939.

En Janvier 1932, le Conseil Supérieur de la Guerre (Gal MITTELHAUSSER) pose la question de la couverture des AP par les ouvrages CORF de la Ligne Principale de Résistance (LPR). Le cloisonnement de conception entre la CORF pour la LPR d'une part et les alpins en charge des AP d'autre part à abouti au fait que les feux de la LPR, préférentiellement flanquant, n'ont que peu été conçus pour une protection frontale vers les avant-postes... La CORF dans son rapport du 1 Mars 1932 (96/FA), relayé par le Gal GAMELIN à l'armée des Alpes, reconnaît que la situation est très contrastée et de façon générale le résultat des circonstances plutôt que d'une programmation formelle. Certains AP sont lourdement protégés par la LPR car ils ont le bonheur de se situer là où la LPR porte ses feux en avant ou dispose de tourelles (cas de FREJUS, ROUE et VALLEE ETROITE, ou d'une partie du SFAM par exemple), alors que d'autres (ISOLA, CHENAILLET, REVETS, SELOGES...) ne bénéficient d'absolument aucune couverture fixe. Ce point préoccupant vu de la perspective des Régions Militaires, maitres d'ouvrage des avant-postes MOM, laissera la CORF relativement de marbre dans la mesure où selon ses conceptions, les avant-postes ne doivent avoir qu'une durée de vie limitée et un simple rôle de retardement...


L'évolution progressive du concept d'AP des Alpes en 1933-34


Les inspections de chantiers effectuées par l'ITTF (Inspection Technique des Travaux de Fortification) en 1931-32 montrent à l'évidence des disparités de qualité de conception et de construction et de aussi d'organisation des chantiers en fonction de la maturité et de l'expérience des encadrants et de la troupe en charge des travaux. Les experts du Génie n'étant pas disponibles à volonté, l'organisation centrale (4° Direction) demande début 1933 - dans un souci de rationalisation - à la 14° Région Militaire (DG de Grenoble) de produire un certain nombre de notices techniques visant à servir de guide aux personnel de terrain en charge des travaux. Cela part d'un bon principe, mais se heurte à la réticence de principe de la CORF, qui estime que l'essentiel est dit dans les notices existantes, dont les Instructions du l'Organisation du Terrain (IOT) n°2 et 3 héritées de la grande guerre et qui décrivent largement la fortification de campagne. Cette demande de la 4° Direction se concrétise toutefois en Mars 1933 par la publication de 5 notices par le CB RAMAGE, de la Direction du Génie de Grenoble : une sur la construction des avant-postes type 14° RM, et quatre sur les détails des travaux MOM (réalisation de fouilles de galeries souterraines, des revêtements intérieurs, des blocs bétonnés, des réseaux barbelés...). De son côté, la 15° RM (Direction de Nice) produit aussi une série de documents techniques de chantier destinés à canaliser les compétences variables de chefs de chantiers MOM locaux.

Ces notices relativement précises s'attirent un succès prudent de la part des autorités techniques du Génie (ITTF, STG,...), mais une levée de bouclier de la CORF. Pour le Gal BELHAGUE l'écriture de ces notices revient à donner une importance et un statut de "fortification permanente spécifique" que les AP des Alpes ne devraient pas mériter. Après plusieurs échanges feutrés entre bureaux du ministère, les 4 notices de type technique de la 14° Région seront finalement approuvées et serviront de base, sauf celle sur les réseaux barbelés pour laquelle BELHAGUE argue qu'une telle notice STG existe déjà et qu'il suffit de l'appliquer. Par contre, la notice sur la conception et réalisation d'avant-postes passe sous le tapis et ne sera jamais approuvée. Les vieilles rancœurs de 1930 entre la CORF et les Alpins ont la vie dure...

Avec l'étude CORF de 1932 sur la couverture des AP en tête, le général BOUCHEZ - tout nouveau commandant de la 15° Région Militaire - s'inquiète en Avril 1933 des conséquences sur les AP de l'évolution de la doctrine d'emploi des troupes alpines (note 246 SD/3 de la 15° RM). Il n'est plus question de se battre sur la crête frontière au plus près des AP, mais sur la LPR elle-même. Les AP ne seront donc plus protégés par le gros de la troupe, mais uniquement par des éléments légers avancés. Il convient donc de se reposer la question de la défense propre rapprochée du périmètre des AP, qui n'était pas prise en compte dans la conception initiale visant uniquement à de l'action à distance sur les points de passage conformément à la recommandation de simplicité de mission des autorités centrales. "se reposer la question" est bien le terme, car elle avait en réalité été soulevée dés 1931 par le Gal CHEDEVILLE, patron de la 29° DI en charge de la protection organique de la frontière en temps de paix de la 15° Région (SFAM). CHEDEVILLE avait tenté de sensibiliser les autorités locale - suite à une inspection des chantiers d'AP fin du printemps 1931 - sur leur vulnérabilité à une attaque rapprochée. Ses notes de service n'avaient cependant eu qu'un écho restreint, limité à l'aménagement de quelques postes de combat non protégés pour FM ou tromblons VB autour de quelques AP, sans doute par manque de moyens.

BOUCHEZ relance cette question et demande au Génie de sa Région Militaire de reconsidérer - pour chaque AP - cette nouvelle nécessité de capacité de défense locale et de proposer l'ajout en tant que de besoin de tout poste de combat protégé complémentaire nécessaire à cette mission additionnelle. Il n'est naturellement plus question de relier ces emplacements supplémentaires à l'infrastructure souterraine existante, mais ils devront pouvoir être atteints par des voies extérieures "permettant de communiquer directement de l'ouvrage aux emplacements des engins de défense propre tout en restant à l'abri des vues et des coups de l'adversaire (sic)". En attendant le résultat de cette étude demandée au Génie, le général préconise d'étendre séance tenante les réseaux de barbelés périphériques provisoires en place à largeur finale de 10 m, permettant un minimum de protection initiale (ces réseaux avaient été limités à 5 m lors de la construction).

BAISSE DE SCUVION 2 - (Cuve pour arme d'infanterie)




Position de défense périphérique typique - blockhaus, cuve et communication protégée - à BAISSE de SCUVION (photo Michal Prasil)

Ceci justifia donc dans un deuxième temps et à partir de 1934 la multiplication de petits blocs ou positions de défense pour FM, grenadiers VB et mortiers Stokes sur les pourtours de ces ouvrages, en tous cas dans la 15° Région Militaire, à l'origine de cette initiative. Ce type d'initiative ne se verra pas, ou très peu, dans le nord des Alpes. Ces nouveaux blocs de combat reliés par communications protégées et tranchées aménagées reprendront souvent les positions non protégées héritées de la note de service du Gal CHEDEVILLE.

Ouvrage de BAISSE de SCUVION - 1935



AP renforcé en conséquence de la directive BOUCHEZ - cas de BAISSE de SCUVION

Mais le général ne s'arrête pas là. Il préconise en outre de rajouter des créneaux aux blocs déjà existants dans les AP construits pour permettre le flanquement de l'AP et propose dans une note du 23 Novembre 1933 (note 894 SD/3) de coiffer chacun d'entre eux d'une "coupole" hémisphérique équipés de créneaux FM sur tout le pourtour permettant des feux tous azimuths. Ces créneaux peuvent éventuellement suppléer la cloche St Jacques dans sa fonction d'observation. Avant de généraliser ce concept, il demande à ce qu'un prototype soit construit "...à SCUVION ou PIERRE-POINTUE". Le Génie fait remarquer au général que le coffrage et la réalisation de coupoles en demi-sphères bardées de créneaux n'est pas à la portée des compétences de la MOM, ce qu'il admet et autorise un mois plus tard, en décembre, une version simplifiée cylindrique avec toit bombé. C'est finalement à CASTES-RUINES que ce prototype unique sera érigé en 1934 ou 1935, sans suites ultérieures compte tenu de la vulnérabilité et complexité du dispositif.

CASTES RUINES 1 - (Observatoire d'infanterie)



Prototype de coupole "Bouchez" de l'AP de CASTES-RUINES (photo A. Loviny)

A cette même époque se pose la question de l'équipement intérieur et du second œuvre de ces ouvrages dont la structure de gros-œuvre est en cours d'achèvement. L'état-major et le Génie vont rapidement découvrir la difficulté récurrente avec les travaux MOM laissés à l'appréciation des chefferies locales : l'absence totale de standardisation.

La nouvelle manifestation de ce qui deviendra une vraie plaie jusqu'en 1940 sur l'ensemble des travaux MOM apparait avec la question des portes blindées/étanches à installer dans ces ouvrages... A la demande de la 4° Direction (Génie), les deux régions militaires concernées sont invitées à envoyer au Service des Matériels de Fortification les dimensions et les types des portes blindées à commander pour équiper les ouvrages. Le résultat est édifiant : non seulement rien n'est identique entre Régions militaires, mais même entre chefferies il y a des écarts et enfin aucun modèle demandé n'existe dans le catalogue que le SMF a patiemment constitué. La conclusion de guerre lasse tombe sous la forme d'une note du Gal LEFORT, directeur du Génie, datée du 6 Mai 1933 : que chaque chefferie se débrouille avec ses propres commandes et achats, et sur ses propres budgets... Tout au plus le SMF enverra t-il une liste de fournisseurs potentiels et une spécification de ce qui est nécessaire de demander à ceux-ci. Ainsi, la difficulté déjà entrevue un an plus tôt avec la question des trémies pour embrasures ne fait que se confirmer là, et deviendra la règle générale.

Cependant, la forme définitive des AP est obtenue et il n'y aura plus d'évolution ultérieure majeure. Une étude plus détaillée de la protection des galeries et des montées aux blocs de combats se traduira éventuellement par l'ajout tardif (1937-38) de dalles d'éclatement bétonnées aux endroits vulnérables de certains AP (REVETS, CROIX de COUGOULE, ...). De façon générale, l'équipement se limitera à de l'ameublement métallique (ou en béton quand on craindra l'humidité), une ventilation à bras, aucun groupe électrogène bien que cela ait été envisagé initialement (2), de 2 à 4 citernes à eau alimentés soit par source interne soit par corvées, et enfin un éclairage à lampes à pétrole avec captage des fumées de combustion.

De son côté, la 14° RM reste plus conservatrice en termes de conception, mais autorisera la construction de nouveaux AP bien plus tardivement que dans les Alpes du Sud, les derniers étant mis en chantier en 1939 (AP de VILLAROGER en Savoie par exemple) dans la cadre des programmes d'avenir (1938) et "200 Millions" (1939).



Construction sur le terrain et bilan


Un démarrage chaotique


La construction des AP débute donc entre les étés 1930 et 1932 et intègre d'emblée les recommandations du rapport JACQUEMOT amendées par le général BELHAGUE. Le gros de la construction dans les Alpes du Sud - en plusieurs phases comme vu plus haut - s'étale jusqu'en 1934-37. Les travaux sont beaucoup plus lents dans les Alpes du Nord compte tenu des conditions météorologiques en altitude et la longueur de la période hivernale inconstructible. En pratique, nombre d'AP en Savoie et Dauphiné sont inachevés pour cette raison ou du fait de leur approbation tardive à partir de 1938 pour certains.

Les débuts sont affreusement laborieux. Ces travaux non prévus au rôle d'affectation du personnel de 1930 nécessitent le détournement d'une compagnie (120 h) du 7° RG d'Avignon, d'une soixantaine d'artisans spécialisés issus de la 29° DI et d'un bataillon de 500 hommes de la 2° DCS initialement planifiés sur des travaux routiers. Aucun plan d'ouvrage n'est disponible au vu de la précipitation du démarrage, donc toutes les consignes aux chantiers sont verbales. Il n'y a pas de matériel de terrassement mécanisé ni de bois de mine, les chantiers sont organisés de façon anarchique et très variable d'un endroit à l'autre, avec des chefs de chantier plus ou moins qualifiés (Génie d'active ou officiers de réserve effectuant leur période rappel). Bref, on travaille à la barre à mines sans directives claires... Là dessus se rajoute la pression imprimée par le Gal DEGOUTTE, qui effectue de nombreuses inspections pour constater le progrès de "ses" avant-postes et qui s'implique personnellement dans les questions de terrain ou les commandes de petit matériel.

Après un mois et demi de flottement, les compresseurs et perforatrices commencent à arriver sur site et les travaux prennent de la vitesse. A la demande du commandement, un camouflage des chantiers (rideaux de tôles, filets, etc, est rapidement réalisé, et on amorce une protection à minima par la réalisation d'un réseau barbelé à mi-largeur dans chaque AP entamé. Le 26 Juillet 1930, soit plus d'un mois après le démarrage des 6 premiers, les chantiers de St DALMAS, COL de RAUS et CROIX de COUGOULE sont approuvés à leur tour. Ils démarrent par les relevés de terrain et l'organisation des campements. St DALMAS et COL de RAUS ne verront cette année là que du personnel du Génie, dont des renforts venus du 4° RG de Grenoble - en stage d'apprentissage ! -, du fait de l'absence d'auxiliaires disponibles pour ces travaux non prévus au départ. Au repli de chantiers cette 1e année, les ouvrages les plus avancés sont au mieux bruts de fouilles, galerie vers la casemate active juste débouchante pour permettre l'installation provisoire et précaire d'une arme automatique.

Ce nouveau chantier relatif aux avant-postes dépasse largement la capacité de gestion de la Direction des Travaux de Fortification de Nice, dont le Directeur est entièrement focalisé sur le développement des projets CORF. Dans ces conditions, le ministère transfert la responsabilité de la coordination de ces travaux au Lt-Col COMBARNOUS, chef du Génie de la 29° DI, qui se retrouve assigné à la DTF de Nice par souci de coordination comme adjoint de son directeur - le Lt-Col ANDRÉ - en charge de ces travaux MOM. Cette même structure sera appliquée l'année suivante en 14° Région à la DG de Grenoble, où un responsable des travaux MOM d'avant-poste sera désigné, le Lt-Col HELLIOT.

Organisation générale, humaine et matérielle


Durant la grande période de construction (1931-34), le processus était généralement le même tous les ans. Les deux régions militaires (RM) concernées envoyaient fin d'année N-1 à l'Etat-Major leurs propositions de chantiers à ouvrir ou poursuivre sur l'année N et les besoins en Main d'Œuvre Militaire (MOM) correspondants. Sur cette base et en fonction des disponibilités financières, l'EMA produisait en début d'année N une note de cadrage définissant les priorités de chantiers, quelles nouvelles constructions à engager ou pas, quels effectifs MOM et budgets mis à disposition et enfin les règles administratives à appliquer durant l'année. En parallèle, la 4° Direction (Génie) envoyait ses propres directives de nature technique relative à la conduite des chantiers qui étaient en général un résumé des constatations faites durant les inspections faites par l'ITTF (Inspection Technique des Travaux de Fortification) l'année précédente. Le niveau de mise à disposition des spécialistes du Génie détachés sur les chantiers comme support technique était discutée à cette occasion.
Un 3° canal de communication en début d'année existait entre la CORF et les Régions pour discuter les consignes spécifiques relatives aux ouvrages CORF construits par la MOM. La priorisation et les arbitrages de ressources MOM attribuées à la CORF et aux chantiers propres aux RM (avant-postes...) étaient réglés par l'EMA lui-même.

Ce dernier aspect particulier n'a pas été sans conséquence sur les tensions entre la CORF et les Régions Militaires, car les deux organisations concourraient pour les mêmes ressources de main d'œuvre, qui n'étaient pas extensibles à l'infini. Tant que les chantiers CORF attribués à la MOM (abris actifs ou petits ouvrages d'altitude) n'avaient pas démarré, les RM avaient coudée franche pour utiliser leur main d'œuvre sans autre contrainte que celles imposées par l'Etat-Major central en termes de proportion à réserver aux activités d'instruction militaire. Quand le poids des chantiers CORF se fit sentir avec de plus en plus de priorité - imposée par l'EMA - les Régions eurent à se départir de leur main d'œuvre dans des proportions qui ont grandement ralenti leurs propres chantiers, obligées par force à des clôtures temporaires de certains d'entre eux. Cette gestion de priorité au détriment des Régions entraina des récriminations récurrentes.

Le gros de la Main d'Oeuvre Militaire affectée à ces chantiers - nommée pudiquement par l'EMA "MO Auxiliaire d'Infanterie" - était constitué de troupes Nord-Africaines ou Coloniales, issues par exemple dans la 15° Région de la 2° DCS (Division Coloniale Sénégalaise) et de la 1° DINA. Certaines de ces unités (le 27° RTNA par exemple) étaient particulièrement bien acclimatées aux conditions difficiles et aux types de travaux nécessités par les chantiers en haute altitude. C'était naturellement moins le cas pour les troupes sénégalaises qui furent principalement employées entre Sospel et la mer. Mais dans les deux cas, ces auxiliaires accomplirent un travail remarquable.

La durée des chantiers était limitée à 3 ou 4 mois - mi Juin à mi Septembre au moins -, éventuellement prolongeable avec accord des unités concernées si les conditions météo permettaient de poursuivre le travail. Un chantier d'avant-poste classique occupait typiquement 10 à 20 spécialistes du Génie (sapeurs, etc) ou des unités d'infanterie d'active (charpentiers, maçons, forgerons...), de 25 à 80 auxiliaires manœuvres, 10 à 15 muletiers et 3 à 5 officiers/sous-officiers d'encadrement. L'horaire de travail était de 16 heures pour les spécialistes (en deux postes de 8 heures) et de 8 heures par jour pour les auxiliaires, du lundi au samedi (sauf mercredi et samedi seulement 4 heures pour laisser un peu de temps à l'instruction militaire). L'encadrement de chantier était systématiquement donné à un officier ou sous-officier du Génie (7° RG en 15° Région - SFAM, 4° RG en 14° Région - SFS, SFD), alors que l'encadrement administratif, logistique et disciplinaire était donné à un officier ou sous-officier de l'unité d'infanterie impliquée. Ces chefs de chantier et de campement travaillaient en binôme.

A partir du 15 Septembre 1930 les auxiliaires voient leur volume d'instruction augmenter d'un jour et demi par semaine, entrainant un ralentissement des travaux, puis la plupart des chantiers s'arrêtent pour l'hiver. Certains chantiers particulièrement avancés bénéficièrent dés l'hiver 1930 d'une occupation permanente réduite. Ces "gardes" étaient habilités à faire de petits travaux d'entretien dans leurs ouvrages d'AP, voir à poursuivre certains travaux plus importants quand l'EM de la région leur détachait un noyau du 7° RG ou du 4° RG. C'est le cas dés fin 1930 sur les ouvrages de PIERRE POINTUE et CASTES RUINES.

L'équipement téléphonique des AP était de la responsabilité technique du 28° RG (Montpellier - Cdt : Lt-Col BOUGIER). Ce régiment assura l'équipement des AP dés 1930 en lignes "volantes" provisoires les premiers AP du SFAM. A partir de 1932, un plan formel d'installation de lignes téléphoniques fixes est déployé, permettant un équipement en ligne aérienne hors le dernier 100 m avant l'ouvrage où elle est enterrée à 80 cm de profondeur. Les ressources du 7° Régiment du Génie (15° Région - Alpes du Sud) sont saturées dés le programme 1931 : il sera renforcé de personnels d'appoint en provenance du 3° RG (électromécaniciens, Versailles, pour la gestion du matériel mécanique) et de stagiaires du 4° RG (Grenoble) qui viendront se former sur les chantiers "Alpes Maritimes" avant de démarrer les chantiers dans les Alpes du Nord. Les renforts d'encadrement ou de spécialistes des 3° et 4° RG ne seront là qu'à titre d'appoint et n'auront pas de responsabilité directe de chantiers.

Le matériel lourd du Génie nécessité par ces chantiers (compresseurs, etc) était démontables pour permettre une manutention à dos de mulet sur des chemins pas toujours très praticables. Il était en principe géré par des spécialistes électromécaniciens du 3° RG de Versailles, détachés dans les Alpes pour ces besoins.

La période 1931-1935


Cette première période est donc celle qui marquera l'essentiel des lancements de constructions et de la réalisation du gros-œuvre. La responsabilité d'organisation et de conduite des chantiers d'avant-poste (comme ceux de la CORF réalisés par la MOM à partir de 1932) était sous l'entière responsabilité du général commandant la Région Militaire, donc purement locale. Cette responsabilité était déléguée à un officier supérieur de la Direction du Génie ou de la Direction des Travaux de Fortification locale. Cet officier désigné avait ses propres ressources d'encadrement et de suivi des chantiers.

La vague initiale (1930-1931) porte ainsi sur 13 AP de la 15° Région Militaire (Marseille-Nice) et 8 AP de la 14° Région.

En fin 1931, l'AP de la REDOUTE-RUINÉE et celui la VANOISE sont rajoutés à la liste de la 14° RM pour verrouiller le passage des cols correspondants permettant de contourner les défenses de Tarentaise et de Maurienne. Un autre AP est programmé au CHENAILLET en Briançonnais. Les travaux de ces 3 AP supplémentaires débutent en 1932. De son côté, la 15° RM approuve et lance la construction d'une 3e vague de deux derniers avant-postes, localisés dans le défilé de Valabres pour barrer la future RN 205, et pour interdire le vallon de Mollières qui est en grande partie italien et maintenant accessible par piste de ce côté là. Les deux autres envisagés, ROJA (Tinée) et GOLF de SOSPEL, sont par contre renvoyés aux calendes.

Ces derniers lancements de chantiers sont le chant du cygne des avant-postes MOM, car la situation budgétaire des travaux de fortification des Alpes fin 1932 est catastrophique. Le programme des "362 millions" de la CORF est déjà en dépassement de 100 millions de Fr malgré un certain nombre d'ajournements, et les prévisions faites pour le lancement de nouveaux chantiers MOM en 1933 entrainerait un dépassement de 12 millions de ces travaux, à prendre aussi sur les fonds de la CORF car l'EMA n'a pas de moyens propres à accorder aux Régions Militaires. La CORF non seulement oppose début 1933 un "niet" intransigeant à cette perspective, mais rappelle au passage que la construction de ses propres ouvrages d'altitude par la MOM devrait recevoir toute la priorité compte tenu des retards accumulés. Ceci entraine le nouveau report - cette fois-ci pour longtemps - des AP de GOLF de SOSPEL, de VILLAROGER, de MONTGENEVRE-CLOS ENJAIME, et de la batterie sous roc de l'OLIVE. Cette dernière sera néanmoins repêchée en Avril 1933 contre l'avis de la CORF, en parallèle de l'abandon du chantier du CHENAILLET du fait des difficultés de nature géologique rencontrées là.

Fin 1933 le constat est strictement identique. Les moyens disponibles tant financiers qu'humains ne permettent toujours pas de lancer de nouvelles constructions, et force est de constater que le reste des travaux MOM - sur les AP et la ligne principale de résistance - ont pris en pratique un an de retard... Le programme de travail pour 1934 est donc maintenu à l'identique de 1933 avec pour mission essentielle de finir ce qui est en chantier. Le niveau d'effort MOM reste similaire à l'année précédente, au détriment de l'instruction générale, et reste là encore concentré sur les constructions de la CORF. Pour les AP, on vivra d'expédients : l'AP de CLOS-ENJAIME reporté une fois de plus est tactiquement remplacé par l'ajout d'un petit bloc pour jumelage sur l'ouvrage du JANUS, orienté vers Montgenèvre.

Le bilan du réalisé pour 1934 et le programme 1935 pourraient être une copie conforme de celui de l'année précédente car la situation de pénurie et de retard reste identique. Une main anonyme du 3° Bureau de l'EMA écrit d'ailleurs en marge de la décision ministérielle de Janvier 1935 cadrant les travaux de l'année cette phrase lapidaire : "on a déjà écrit tout cela en 1932 et 1933. On est dans un engrenage."... sous-entendu : sans fin !

Pourtant la fin va arriver en Mars 1935, comme conséquence d'une décision du Ministre de la Guerre, le Gal MAURIN.

Le plébiscite de rattachement de la Sarre à l'Allemagne nazie, la remise en place de la conscription en Allemagne et les accords de détente signés avec l'Italie en Janvier (accord de Rome entre Laval et Mussolini) entrainent un changement de stratégie important au profit du Nord-Est, amplifié par la conférence de Stresa en Avril 1935. Pour parer une attaque brusquée sur des frontières peu défendues (Meuse, Sarre...), l'Etat-Major est prié de transférer dans le Nord-Est plusieurs unités d'active Nord-Africaines et Coloniales localisées dans le Sud-Est et à l'intérieur.

En 14° et 15° Régions Militaires la 1° DINA, grande pourvoyeuse de main d'œuvre pour les travaux de défense, est concernée en priorité. Elle voit partir l'équivalent de l'une des ses brigade au grand complet avec pour mission d'entamer des travaux de fortification MOM dans des secteurs délaissés comme le plateau de Marville, le secteur entre Margut et Charleville-Mézières, etc. Il en résulte une chute importante du nombre de travailleurs auxiliaires sur les chantiers MOM des Alpes, principalement en 14° Région (Alpes du Nord). Le programme de travail sur les AP n'est néanmoins pas gravement affecté car l'arbitrage à la baisse est fait essentiellement sur les travaux CORF faits par la MOM (l'abri de PLAN à MARIN est ainsi ajourné sine die). Tout de même, l'Etat-Major de l'Armée admet enfin la réalité et ne demande plus à ce que les travaux de fortification sur les AP soient achevés en fin d'année : le Gal COLSON demande que tout au plus le gros-œuvre de ces ouvrages soit terminé pour permettre l'occupation de ceux-ci à minima, et qu'on se concentre sur cette priorité là et elle seule.

La 2e décision importante tombe le 7 Aout 1935 sous la plume du Gal GAMELIN : compte tenu de l'évolution des relations internationales, il confirme l'arrêt total des travaux MOM de construction dans les Alpes et en Tunisie, tant sur les AP que sur la ligne principale de résistance. Seules les activités d'entretien des constructions réalisées seront désormais autorisées à partir de la fin 1935, laissant une année déjà bien entamée finir dans l'urgence ce qui peut encore l'être. Cette directive très stricte est néanmoins nuancée par une décision ministérielle du Génie d'Octobre suivant, qui laisse la porte ouverte à "certains travaux à titre tout à fait exceptionnel" d'achèvement d'ouvrages d'AP. Cette note précise tout de même que ces travaux par la MOM seront exclusivement assurés par les troupes alpines de forteresse pour laisser les unités anciennement impliquées revenir à leur rythme normal d'instruction. Ceci marque ainsi dans le principe la fin de la contribution des troupes coloniales ou d'Afrique du Nord à ces travaux de fortification alpine (3).

Cependant, le gros-œuvre des AP peut être considéré comme achevé - hors cas particulier - fin 1935.

La période 1935-1939


L'équipement de ceux-ci a ensuite duré (pour ne pas dire "trainé" !) jusqu'en 1939. L'année de fort ralentissement en 1936 liée aux conséquences de la détente avec l'Italie a certes joué un rôle, mais il faut noter cependant que les contraintes environnementales (altitude, climat...) limitant les périodes de chantier, la nécessité tous les ans de perdre du temps à reprendre et réparer les dégradations advenues depuis l'année précédente et enfin la gestion court-termiste et un peu anarchique de cet effort sont autant de facteurs expliquant cette relative lenteur.

Cette période de consolidation et de petites améliorations se caractérise par une baisse majeure des moyens humains mis à disposition. Là où les chantiers annuels occupaient au total entre 400 et 800 personnes en 15° Région selon l'année dans la période précédente, il n'en mobilisent maintenant plus que 150 à 250 ensuite, au profit d'un transfert de main-d'oeuvre vers les ouvrages de la LPR dont le retard est devenu réellement préoccupant.

Le mode de fonctionnement évolue néanmoins vers quelque chose d'infiniment plus organisé. Au lieu de diluer ces effectifs restreints sur des dizaines de chantier avec en conséquence un besoin important en encadrement d'expérience, les états-majors locaux vont s'orienter vers la mise en place d'un petit nombre d'équipes "volantes" dirigées par des sous-officiers qui ont fait montre dans le passé de leurs qualités et qui connaissent intimement leurs AP. Ces équipes se déplacent successivement d'un chantier d'AP à un autre, en restant sur chaque site de 2 à 6 semaines dépendant du travail à faire. Chaque campagne annuelle porte autant que possible sur les mêmes sujets ou problématiques sur l'ensemble des AP, permettant la rationalisation des approvisionnements, transports et travaux. On gagne ainsi en efficacité ce qu'on a perdu en nombre. Il y aura dans le SFAM l'année "pose des tuyauteries de ventilation/fumées et construction de postes de défense rapprochée" (1935), l'année "réparation et entretien" (1936), l'année "peinture intérieure et amélioration d'habitabilité des abris alpins" (1937)... En 14° Région (SFS, SFD) le progrès est le même mais décalé d'un à deux ans. Certains AP verront là une fin d'équipement avec la mobilisation de 1939.

Laissée en plan depuis les décisions de 1935, la question du lancement de nouvelles constructions d'avant-postes revient avec les propositions du Gal MITTELHAUSSER dans son "Programme d'Avenir de la défense des Alpes" de Juin 1938, car la détente avec l'Italie appartient au passé depuis la guerre d'Ethiopie et son rapprochement avec l'Allemagne. Le général - en fin connaisseur de la stratégie de défense alpine - propose la relance de la construction d'avant-postes aux endroits qui avaient été précédemment négligés car n'étant pas prioritaires (Tarentaise) ou ayant souffert des restrictions budgétaires ou de déboires techniques (Briançonnais, ...). Son programme est endossé par le Gal BESSON, son successeur à l'Armée de Alpes, et se traduit concrètement par le démarrage ou la programmation dés 1939 de plusieurs chantiers :

  • la construction de blockhaus d'avant-poste face à la frontière Suisse, à St Guingolph, Abondance et au col des Montets (Haute-Savoie, SD du Rhône)

  • le lancement de la construction de l'ouvrage d'AP de VILLAROGER (aile sud de la position de Tarentaise), maintes fois ajourné du fait de l'absence de priorité sur la Tarentaise.

  • le renforcement de l'ouvrage de la REDOUTE RUINÉE (Tarentaise) avec des blockhaus complémentaires

  • le renforcement de l'ouvrage d'AP des REVETS (Mt Cenis - Maurienne) par une ligne de défense complète au travers du col.

  • le redémarrage du chantier de l'AP du CHENAILLET (Briançon), abandonné du fait de l'instabilité du terrain

  • le barrage du Queyras par une ligne de blockhaus en avant-poste

  • le renforcement de l'AP des FOURCHES (Haute Tinée)

  • le lancement de la construction du blockhaus STG du GOLF de SOSPEL, remplacement "bas coût" de l'AP prévu là depuis des années.


D'autres ouvrages d'AP prévus dans ces programmes ne seront pas lancés, comme l'ouvrage de la CIME d'ANELLE (prévu pour 1940 en Tinée), ou celui du CLOS-ENJAIME, une nouvelle fois ajourné du fait de la priorité mise sur la construction de l'ouvrage de la VACHETTE.

Il est intéressant de noter l'évolution architecturale vers l'abandon des petits ouvrages souterrains avec un ou deux postes de tir au profit d'une généralisation des petits blockhaus isolés. Dans les nouvelles constructions, seul VILLAROGER peut se targuer d'une filiation avec la forme d'AP d'origine.

Bilan


Au final, 12 ouvrages d'AP type Alpin seront construit en 14° Région Militaire (SF Savoie et Dauphiné pour la totalité) (4) et 15 ouvrages d'AP type Alpin le seront dans la 15° RM (SF des Alpes-Maritimes) (5). Ces travaux mobiliseront des budgets annuels variables, allant selon la période de 0,5 million à 2,5 millions de fr par Région Militaire. La totalité du programme aura donc coûté au final le même ordre de grandeur que la construction d'un et un seul gros ouvrage des Alpes - sans même parler du Nord-Est...

Il convient de noter quelques cas particuliers spécifiques:
- l'AP de VALABRES principal est équipé d'une cloche Pamart posée en 1934, modifiée pour mitrailleuse/FM/LG.
- l'AP de VALABRES Annexe est un monobloc dont la ventilation - en 1938 - sera la plus tardivement installée.
- le bloc de GOLF de SOSPEL, souvent considéré comme AP car telle était l'idée au départ et ajournée, est construit tardivement en 1939 sur base de plan-type de blockhaus STG, ce qui le distingue des autres AP.
- PONT-SAINT-LOUIS est un barrage rapide de conception CORF. Son statut d'AP dans nombre de documents et écrits est discutable.
- l'AP de VILLAROGER, à peine commencé en 1939, aurait du être un ouvrage CORF au départ. Ceci est un exemple illustratif parmi d'autres de l'ambiguïté qui a existé parfois dans les Alpes entre ligne d'avant-poste et ligne principale de résistance...

Ces avant-postes s'avéreront d'une redoutable efficacité, en opposant tous une résistance acharnée et victorieuse à l'italien, sauf au CHENAILLET dans le Dauphiné, preuve s'il en est de la justesse des vues du général DEGOUTTE. Loin des standards de la CORF, ce type de construction très particulier est un heureux compromis entre coût et efficacité.

Il est ironique de constater au passage que les italiens utiliseront à la même époque un concept très proche de celui des AP type DEGOUTTE/JACQUEMOT pour leurs ouvrages du Vallo Alpino, juste de l'autre côté de la frontière. Sans parler de copie ou d'inspiration mutuelle - personne n'a montré d'éléments factuels allant dans ce sens à aujourd'hui - , on peut à tout le moins remarquer l'étonnante convergence de vues concernant la forme de ces fortifications, nouvelle démonstration que les mêmes causes technico-économico-stratégiques produisent les mêmes effets.


Notes :
(1) voir à ce titre les premières pages du tome 4 d'"Hommes et Ouvrages de la ligne Maginot" des MM MARY et HOHNADEL, qui décrivent très bien cet affrontement de concepts.
(2) : les "niches pour moteurs" existent sur les plans d'origine des AP de la 15° RM, mais celles-ci ne seront jamais équipées et converties en "niches à munitions Stokes" pour alimenter les postes de combat extérieurs construits à partir de 1934.
(3) Ces mêmes directives de 1935 entraineront du côté des travaux MOM sur la ligne principale de résistance (CORF) un retour en force du recours aux entreprises civiles - quoi qu'il en coute, avec ce que cela implique de ralentissement ou de report de ces travaux.
(4) SELOGES, REDOUTE RUINEE, VILLAROGER, COL de la VANOISE, les REVETS, FREJUS, la ROUE, VALLEE-ETROITE, CHENAILLET, LARCHE, les FOURCHES, et le PRA
(5) SAINT DALMAS, ISOLA, VALABRES Principal, VALABRES Annexe, CONCHETAS, CASTEL VIEIL, le PLANET, COL de RAUS, CROIX de COUGOULE, CASTES-RUINES, BAISSE de SCUVION, PIERRE-POINTUE, La PENA, COLETTA, et COLLET du PILON



Sources : SHD - carton 7N3845 - EMA, constructions et projets des Alpes, carton 4V1512 - Génie de la 15° RM, cartons 4V1613 et 4V1614 - Construction des AP en 15° RM

Rédaction initiale : Jean-Michel Jolas - 23/03/2018, complétée en 12/2020 - © wikimaginot.eu














Secteur(s) concerné(s) :SFS SFD SFAM




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Pont Saint-Louis
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