Ligne Maginot - Maisons Fortes type Ardennes



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Maisons Fortes type Ardennes






Les Maisons Fortes type Ardennes trouvent leur origine dans les réflexions de la CDF (Commission de Défense des Frontières) et de la CORF (Commission d'Organisation des Régions Fortifiées) dans les années 1927-1929.
Elles sont, à l'instar de leurs homologues des autres régions militaires, une des composantes de retardement de l'avance ennemie au même titre que les avant-postes, les barrières de route, les destructions et autres obstacles dans l'espace de couverture entre la frontière et la ligne principale de résistance, disposée à 10 km de celle-ci.

MF n°10 - St MENGE

La MF n°10 de St MENGE



Si le concept est connu dès la période de construction de la CORF (1930-1935), il ne sera mis en œuvre dans les Ardennes qu'à partir de 1937-38, donc postérieurement à la construction du gros de la ligne principale de résistance - et selon une typologie propre à la 2° Région Militaire (Direction du Génie d'Amiens et Chefferie de Mézières).

Ces maisons fortes bénéficient d'un plan-type spécifique et sont réparties le long de la frontière du département des Ardennes, ce qui leur a valu le nom de "maisons fortes type Ardennes".


Situation géographique

Les maisons fortes sont au nombre de 22 sur le territoire du département (selon les rapports, elles possèdent plusieurs noms dont il convient de faire mention ici).




Description d'une maison forte

La maison forte se présente sous la forme camouflée d'une petite villa inoffensive aux dimensions modeste ( 7,20 mètres X 5,50 mètres au sol pour une hauteur de 7,20 mètres ). Sa vocation militaire est trahie par la présence d'un blockhaus relativement important en soubassement, d'un grillage, d'un réseau de barbelés le tout étant protégé par des mines antichars et des piquets Ollivier .
Dans certains cas (voir photo ci-dessous) le souci du camouflage allait jusqu'à masquer les créneaux en temps de paix.

Panneaux camouflage

Le dispositif de support des panneaux de dissimulation du créneau FM


L'habitation ce compose d'un étage dit de vie et d'un niveau de combat.

L'étage de vie ou chambre haute

Sa fonction est de servir de casernement avec une cuisine, un dortoir et un WC. Il permet le logement et la vie en toute autarcie d'une petite garnison de 6 hommes commandée par un sous-officier.

MF n°10 - St MENGE

MF de St MENGE - noter l'escalier extérieur permettant l'accès à l'étage d'habitation, très "civil".


Un réservoir de 1000 litres d'eau alimenté par les gouttières est installé sous le toit de la bâtisse.

L'étage de combat ou chambre basse

C'est un blockhaus étanche en béton armé - d'un degré de protection suffisant pour résister à l'artillerie des blindés de l'époque - auquel on accède par une porte blindée ou deux portes successives, l'une étanche coté intérieur, l'autre blindée vers l'extérieur.

MF n°15





Il est équipé de 1 ou 2 créneaux pour un canon antichar, de créneaux pour mitrailleuse, fusil mitrailleur ou fusil. Il est en outre équipé de goulottes lance grenade.

MF n°17

MF n°17. Le nombre de créneaux AC dépend du nombre de directions d'approche. Là, on doit couvrir deux voies, donc la MF est équipée de deux créneaux AC (celui de droite est muré)



On peut aussi y accéder depuis l'étage supérieur par une trappe dans le sol de la chambre haute, cet accès étant muni d'une échelle en acier de huit barreaux.

La hauteur au plafond est de 2 mètres. L'épaisseur des murs est de 1 mètre sur le devant puis de 50 centimètres sur les côtés, le sol et le plafond. C'est là que ce trouvaient les munitions, vivres de réserve et matériels permettant de combattre dans une totale autonomie.


Missions des maisons fortes

Ces constructions militaires de type fortification semi-permanente avaient pour principal objectif de détecter une pénétration ennemie sur les axes forestiers et routiers venant de Belgique.

Leurs missions sont multiples :

Missions du temps de paix


  • Surveillance et fermeture si nécessaire de la frontière

  • Surveillance et entretien des DMP ( dispositifs de mine permanents ) permettant de barrer les axes d'invasion au département .

  • Surveillance et entretien des armes et munitions des chambres de tir.



Missions du temps d'alerte
En cas de tentative de franchissement de la frontière par des éléments ennemis, les missions changent

  • Mise à feu du DMP

  • Interdiction par le feu du franchissement
    Cette mission mission de retardement peut se prolonger sur 2 à 3 heures au maximum, le but est de retarder l'avancée ennemie, pas de la fixer

  • Renseignement du commandement sur les mouvements de troupes ennemies
    patrouille ,véhicules, etc.



Le personnel

Le personnel d'une maison forte est composé d'un sous-officier, d'un caporal et de 4 soldats appartenant à une Compagnie de Gardes Frontières (CGF).

Les Compagnies des Gardes Frontières sont formées de personnel provenant de plusieurs armes ou origines:


  • des éléments de garde républicaine mobile (GRM),
    personnel d'active

  • des gardes frontaliers (GF),
    volontaires locaux originaires des villages environnants et souvent de classes d'âge assez anciennes

  • des douaniers,
    fonctionnaires d'état



Ces unités sont également chargées de tenir des petits postes de surveillance en appui des MF.

La Compagnie des Gardes Frontières en charge de la zone couverte par le 136° RIF compte 5 sections qui occupent les maisons fortes. Elle est commandée par le capitaine Roux


  • section de Pouru-aux-Bois ( MF n°16 ) Adjudant Henry puis sous-Lieutenant Petit

  • section de Pure Messincourt ( MF n°17 et MF n°18 ) Lieutenant Petit

  • section de Matton ( MF n°19 et MF n°20 ) Lieutenant Trichelot

  • section de Mogues ( MF n°21 et MF n°22 ) Lieutenant Rondeau
    1 officier, 7 GRM, 40 GF dont 1 détaché à la section de commandement à Carignan , 7 douaniers soit un total de 55 hommes.

  • section de Puilly-Charbeaux : Lieutenant Rambourg


Il est à noter que tous ces officiers sont instituteurs dans la région.

Le 15 janvier 1940, les Compagnies de Gardes Frontières (CGF)sont remplacées par les Compagnies des Avancées (CDA) des régiments d’infanterie de forteresse (RIF) tenant la position. La Compagnie des Gardes Frontières du capitaine Roux laisse la place à la 4° Compagnie des Avancées (CDA) du 136° RIF commandée par le capitaine Pressoir (PC à l'école des filles de Carignan)



L'armement et la défense du poste

L'armement est standardisé et comprend pour chaque maison forte:


  • un canon de 37 mm TR modèle 1916,
    les unités de renforcement peuvent être amenés à fournir un canon de 25 mm modèle 1934 en remplacement si elles le souhaitent.

  • une mitrailleuse Hotchkiss 8 mm modèle 1914

  • un ou plusieurs fusils mitrailleurs modèle 1915 (Chauchat)
    A dater du 23 novembre 1939, cet armement sera remplacé par le FM 24/29.

  • deux tromblons VB

  • l'armement individuel des hommes

  • 100 mines légères

  • 20 piquets Ollivier


La dotation théorique en munitions était la suivante (note de service de la 2° Armée du 15 Avril 1940) :


  • Cartouches de 37mm : 108 O.E. et 162 O.R.

  • Cartouches de 7,5mm : 2025 balles Mle 1929 type C et 4050 Mle 1929 type F par FM (dotation normale de 2 FM)

  • Grenades VB : 96 par tromblon

  • Grenades : 108 OF et 216 F1

  • .

En pratique cette dotation sera variable, de même que la présence effective de canons antichar de 37mm. Le 20 Avril 1940, le Gal Gransard - commandant du 10° CA - se plaint auprès de la 2° Armée des manques : sur les 15 canons de 37 mm et 30 tromblons VB nécessaires pour l'équipement des MF sur le ban de son corps d'armée, seuls 7 canons et 6 tromblons sont présents… Les canons de 37 mm absents seront remplacés au débotté par des FM.

Les mines seront bien entendu posées sans ôter les bagues de sécurité selon un plan pré établi.

Des travaux de terrassement doivent également être effectués pour permettre et faciliter le déplacement des hommes en arrière de la position et ce jusqu'aux postex de défense établis dans les intervalles des maisons. Ces travaux de défense s'effectueront sous la surveillance d'un guetteur équipé d'un FM.
Il convient de noter qu'une prime de 5 000 francs et de 8 jours de permission pourra être versée en cas de destruction d'un avion ennemi par le dit FM ( cela dit, ils n'ont certainement pas du beaucoup verser cette prime vu que la frontière donne sur la Belgique !)

A noter dans le chapitre de la défense une initiative d'un homme de la section Rondeau, qui pourrait prêter à rire si il n'avait pas été obligé d'y recourir faute de moyens donnés par sa hiérarchie : la constitution d'un barrage d'eau antichar à l'aide de motte de gazon empilées qui devaient créer un petit étang "impénétrable" aux chars (méthode douteuse quand à son efficacité et peu étanche).



Les moyens de liaison

Un raccordement au réseau téléphonique civil avait bien été prévu pour l'ensemble des maisons fortes mais il ne pu être pleinement réalisé. Faute de moyens, on a du trouver un système de remplacement pour permettre la communication avec les maisons fortes.
En cas de conflit la compagnie des avancée disposait d'un stock de fusées, chaque utilisation se faisant selon un code précis qui changea assez souvent jusqu'au début des hostilités. Le 30 décembre 1939, 6 feux verts signifiaient 'la destruction a joué , demande de tir de barrage en avant de la position' et 1 feu jaune 'nous nous replions '.

Les pigeons auxiliaires vitaux pour les hommes de la 1ère guerre furent réutilisés par leur successeurs de 40. L'utilisation n'en était toutefois pas simple pour des néophytes et il convenait de ne pas procéder au largage des volatiles par temps brumeux ou par fortes pluies, ni trop tard dans la soirée.
De nombreuses pertes de ces messagers furent enregistrées et le système abandonné comme le montre cette note :


"Le matériel colombophile sera reversé avant le 29 janvier 1940 au bureau de l'officier des transmissions du régiment" 
Le 26/01/1940 .
PC du Lieutenant colonel VINSON, commandant du 136° RIF.



Les différentes dotations

Chaque maison forte sera au hasard des approvisionnements plus ou moins dotée edu matériel nécessaire à son bon fonctionnement


Inventaire du 29 janvier 1940 de la MF n°21 ( Pâquis de Frappant )

  • (...)matériels de cuisine et une cuisinière avec 3 mètres de tuyaux et rosace .

  • Le réfectoire
    1 table en Hêtre
    1 dessus de table
    4 tabourets
    1 armoire


  • Le dortoir
    5 matelas
    5 traversins
    9 couvre-pieds
    1 poêle avec 3 mètres de tuyaux (sans rosace )


  • Divers
    1 appareil téléphonique civil N°1079
    1 appareil téléphonique militaire à 4 directions de type TM 32 , N°3408

  • ...)



Au fil du temps, certains postes reçoivent du matériels en supplément, on retrouve ainsi à la MF n°21 ( Croix du Routy ) en plus de la dotation réglementaire :


  • 1 musette de pansements

  • 1 musette Z ( prévention des attaques chimiques )

  • 1 appareil de TSF type LA 29 N°96 878

  • 1 évier galvanisé

  • 1 pompe Japy

  • 1 jeu de clés doubles pour la chambre basse ( le blockhaus )

  • etc...


Certaines maisons de part leur situation géographique vont bénéficier d'un confort plus enviable que celles perdues au milieu de nul part. Ainsi les MF n°17 ( Messincourt ) et MF n°21 ( Croix du Routy ) seront elles raccordées à l'électricité civile et à l'eau courante, grand luxe pour l'époque.



Les systèmes de déclenchement des Dispositifs de Mine Permanents.

La mise à feu des DMP est une mission de la plus haute importance pour ces avant postes puisqu'elle permet de produire une coupure franche des axes d'invasions de l'ennemi. De fait, on accorde un soin tout particulier à leur entretien et à leur vérification quotidienne.

MF n°20

MF n°20 - Restes du boitier de mise à feu du DMP



Chaque maison dispose d'un système de déclenchement à distance assuré depuis l'intérieur de la chambre basse. Rien n'est négligé pour garantir la mise à feu et la réussite de la mission; en conséquence le matériel nécessaire est stocké dans le blockhaus.

En exemple pour la MF n°19 (La Douane) :

  • 1 coffret en fer

  • 4 mèches lentes préparées

  • 1 mèche en amadou

  • 1 briquet à silex

  • 1 pelote de ficelle

  • 1 couteau d'artificier

  • 1 rouleau de chatterton

  • 1 pince à sertir

  • 1 coffret en fer nécessaire à la mise à feu

  • 2 cadenas

  • 4 clés


Note de service du 3/11/1939
Il est rappelé que dans les MF la mise à feu et les consignes doivent être parfaitement connues de tous. Chaque chef de MF fera personnellement une séance d'instruction pour tous les hommes, insistant particulièrement sur les consignes du poste.



La campagne de 40

La dissolution des Compagnies de Gardes Frontaliers (CGF) et la création de la Compagnie des Avancées (CDA)

Tous les sections doivent ce regrouper à Carignan le 28 janvier 1940, les fantassins du 136° RIF qui prendront la relève échangeront les consignes avec les chefs de poste des MF jusqu'au 31 janvier 12h00, date de transformation définitive des compagnies de gardes frontaliers (CGF) en compagnie des avancées (CA). Un inventaire très administratif des objets entreposés dans les MF sera réalisé et remis au capitaine Roux à son PC de Carignan, lui même partira et donnera ses consignes au capitaine Pressoir son successeur.
Les effectifs sont remaniés et des 5 sections d'origines, il n'en subsistera que 4 commandées par les Lts Rambourg , Trichelot, Rondeau et le sous-lieutenant Petit.

Les Gardes frontaliers rejoindront leur dépôt de Fontenay le Comte et de Stenay par le train.


L'offensive du 10 mai 1940 vu par la CA N°4 du 136° RIF

Malgré le vacarme des vagues d'avions qui passent très haut dans le ciel et s'en vont bombarder l'intérieur du pays, l'alerte est donnée à 6h30, c'est le branle bas de combat

- Les barrières sont enlevées pour permettre la pénétration des troupes françaises en Belgique, de leur côté les Belges en font autant. La cavalerie passe en Belgique suivit par un bataillon du 12° Zouaves qui doit occuper des ponts sur la Semois. Toutes la matinée des troupes passent la frontière confortant le sentiment de sécurité des CA.

Dés l'après midi, les premières réfugiés Belges et Luxembourgeois aux volants de leurs voitures pleines à craquer de bagages ce présentent aux chicanes de la frontière. Le flot grossira jusqu'en début de soirée pour ce tarir ensuite pour la nuit.

Les MF passent sous le commandement des unités de cavalerie, les postes de garde vont être doublés, les systèmes de mises à feu vérifiés une ultime fois, bref tout est en ordre. L'ordre de mise en action des destruction sera donné par la cavalerie.

Une fois les DMP enclenchés, les hommes de la compagnie des avancées devront ce replier à Ferme de la Folie près de Mouzon.

Le 11 mai 1940
Les unités au sol subissent les premiers bombardements en piqués de Stukas, les MF de Messincourt et de Pure en sont les premières victimes.

Le 12 mai 1940
Quelques mitraillage par avions maintiennent la tension des hommes des fortins. Vers 18h30 après une journée extrêmement dures pour la cavalerie, les derniers éléments du 1° Hussard repassent la frontière, c'est le moment pour la CDA d'actionner les DMP en avant de la position, toutes vont être effectives jusqu'au environs de 22h30. La compagnie c'est repliée en bonne ordre par les itinéraires qui avaient été prévu.

Le 13 mai 1940
Les hommes désormais sans affectations sont cantonnés au maintien de l'ordre dans la ville de Mouzon, à des patrouilles et à la garde des ponts. A partir de cette date, elle suivra le destin du 136° RIF.






Rédaction initiale :

David HARMAND - 19/04/2020



Sources :

DES BALCONS EN FORET, MAISONS FORTES DES ARDENNES 1939-1940 , Léon WATELET, ancien Lieutenant au 136° RIF , édition Terres Ardennaises, Février 2001 .





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